Un peu de moi

Je suis un amoureux du grand, du vaste, de la contemplation et des moments de solitude. Bien que détestant la ville pour ce qu’elle représente (bruit, pollution, train de vie infernal), j’adore les architectures massives et oppressantes selon certains. J’aime tout ce qui nous rappelle que nous ne sommes pas grand chose dans cet univers qui n’a paradoxalement d’autre but que celui que nous lui donnons, aussi suis-je tout naturellement attiré par le stoïcisme et passionné d’astronomie. Je ne me mets pas de barrière en ce qui concerne mes découvertes artistiques, j’aime être surpris et chamboulé et brider ma curiosité serait donc bien trop contre-productif !

Le Pif

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  • Memento Mori

    Les gens pressés l’amusaient autant qu’ils l’exaspéraient. Toutes ces petites fourmis s’affairant à courir après leurs missions indispensables à la société. Tous habités de cette certitude que, quoi qu’ils fassent, ils fussent indispensables, irremplaçables, nécessaires. Ainsi regardait-il leur routine : réveil, mission indispensable, repos, réveil, mission, repos, réveil…

    Il trouvait d’autant plus risible cette danse du fait que tous ces être irremplaçables étaient déjà passé par plusieurs chaines dont ils étaient un maillon nécessaire. Et pourtant de fait… on les avait remplacés et ils avaient eux même remplacé.

    Cela l’amena à se poser une question : comment tant de personnes occupant des rôles aussi banals pouvait-elles se croire irremplaçables à tel point ? L’orgueil ? Non, trop simple. Trouver un sens à leurs vies ? Probable. Se rassurer et se voiler la face quant à leur nature éphémère ? Assurément.

    Sinon pourquoi cette quête permanente de la distraction ? Pourquoi chercher coûte que coûte à masquer cette vérité ? Les télévisions allumées en permanence, les stades remplis à en vomir la foule, les travailleurs s’oubliant dans leur travail, les jeux, les drogues…

    Oui, tous ces gens courraient, mais pas après la vie comme il le leur semblait. Non, en agissant ainsi, la vie, ils la fuyaient. Ces êtres courraient après l’oubli. L’oubli de leur condition éphémère. Cependant il était persuadé que tous commettaient là la pire des erreur… Celle d’oublier de vivre. « Les cimetières sont pleins de gens pressé » aimait-il à dire.

    Peut-être serait-il moins dommageable d’arrêter de se croire immortel pour mieux vivre ce qui nous est donné de vivre.

    Peut-être vaudrait-il mieux marcher avec le temps que courir après lui.


  • Estampe et contemplation

    The pond of Ikao - Matsuoka Eikyu
    The Pond of Ikao – Matsuoka Eikyu

    Voici probablement un de mes tableaux préférés. Sans grande surprise il s’agit d’une œuvre japonaise. En effet, j’aime énormément le côté contemplatif de cette culture et je trouve que ce tableau lui rend une parfaite justice. Les pieds dans l’eau, au milieu d’un paysage verdoyant où une légère brume semble se dissiper et s’élever vers les cieux, une femme contemple quelque chose dont nous ne saurons rien. L’objet de sa contemplation lui appartient.

    J’aime d’autant plus les peintures et estampes japonaises qu’elles ne mettent pas l’emphase sur une représentation du réel (comme chez nous en occident) mais sur la capture d’un ressenti, de la volupté insaisissable d’un moment. Peu importe que ça ait l’air vrai tant que l’émotion perdure.

    De mon côté, comme cette femme, je pourrais passer des heures perdu dans mes pensées à contempler un paysage. Je ne compte même plus le nombre de fois où sur ma montre la grande aiguille fit plusieurs tour de cadran alors que j’étais là allonger dans l’herbe au bord d’un lac à contempler le passage des nuages bercé par le clapotis de l’eau.

    Aucun tableau ne saurait me faire revivre ces moment de béatitude aussi fortement que celui-ci.


  • Le livre du Passeur

    Illustration réalisée avec l’intelligence artificielle Midjourney

    Cela faisait près d’un an que mon sommeil était troublé par des rêves étranges. Au départ je n’arrivais pas à mettre la main sur le fil rouge onirique qui les reliait, bien que j’en pressentais l’existence. Il me fallut plus d’un mois de pérégrination pour le remarquer. Chaque rêve se terminait de la même façon. Que ce soit après la traversée paisible de plaines éthérées baignées de couleurs diaphanes ou l’exploration horrible de quelque donjon damné noyé de sombres lueurs profanes, toujours la même vision vint clôturer mes voyages nocturnes.

    Je me tiens devant une porte. Toujours la même bien que revêtant différentes apparences selon le rêve qui la précède. L’aura qu’elle dégage ne saurait être décrite justement. Elle me glace le sang autant qu’elle me réchauffe le cœur, me terrifie autant qu’elle m’apaise, m’inspire un dégoût viscéral autant qu’un indéfectible respect. A mon grand désarroi, chaque tentative d’ouverture se solde immanquablement par un réveil aussi soudain et implacable qu’amer.

    Jusqu’à ce jour…

    Les mots me manquent pour vous raconter ce que je ressentis lorsqu’enfin je l’ouvris. Accomplissement ultime, sensation de paix infinie, que plus rien n’avait d’importance hormis le fait que j’étais là devant ce piédestal. Je mis un moment à m’accoutumer à l’éblouissante obscurité qui en émanait. C’est alors que je l’aperçus, la grande silhouette drapée de noir se tenant derrière le piédestal. Le sentiment de solitude qu’elle m’évoqua m’arracha le cœur tant il dissonait avec ce lieu parfait. Poussé en avant par une indicible force, je gravis les quelques marches me séparant de l’artefact trônant sur le piédestal dressé entre moi et le fantôme solitaire. Alors que mon regard glissait vers l’objet, que je devinais être un livre, l’ombre ouvrit les bras. Peut-être aurais-je du reculer car l’instant d’après je me réveillai comme on se réveille d’un délire fiévreux.

    Quand enfin je parvins à rassembler mes esprits, je senti que des larmes roulaient sur mes joues. J’étais si près du but. Je restai ainsi, dans une léthargique mélancolie, jusqu’à ce que l’aube daigne éclairer ma chambre exigüe. Il y avait alors juste assez de lumière pour que je le remarque. Il était là sur ma table de chevet…

    Le Livre du Passeur.

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  • La page blanche

    Je ne saurais dire s’il existe plus frustrant sentiment que celui de se retrouver là, seul devant une feuille blanche. Seul avec son envie d’extérioriser quelque chose. Seul avec ce furieux besoin d’accoucher d’un texte. Seul face à cette page qui du haut de ces quelques microns d’épaisseur forme pourtant à elle seule un rempart infranchissable entre le moi intérieur, qui hurle du désir de créer, et le monde tangible.

    Souvent j’ai cette impression que je ne fait que capter des phrases et les retranscrire. Comme si ce n’était pas moi qui écrivait mais quelque chose qui me dépasse. Et encore plus souvent je suis surpris de voir ce qui sort de ma plume alors que je me suis jeté contre ce rempart blanc sans idée aucune.

    Peut être qu’au final la pensée est l’ennemie de la création, en ce sens qu’à être trop cartésien, trop logique on en vient à inhiber sa propre force créatrice qui, elle, ne saurait se limiter aux froides chaînes du réel.

    C’est sûrement en cela qu’écrire est si libérateur. L’espace d’un instant, rien qu’un instant, la pensée s’efface devant la beauté créatrice.

    L’espace d’un instant il n’y a plus de tracas que celui de noircir sa feuille pour éclaircir sa vie.


  • L’homme et l’arbre en fleurs

    Il était là depuis plusieurs minutes.
    Il ne faisait rien d’autre que contempler cet arbre aux fleurs blanches dont il ignorait d’ailleurs l’essence.
    Mais paradoxalement cette vision ne l’apaisait pas. Ou du moins ne le faisait-elle qu’en surface car au plus profond de lui une indicible rage bouillonnait.
    Pourquoi ?! Comment lui, cet arbre aux fleurs si blanches, symbole de la beauté la plus pure, la plus naïve, la plus primordiale pouvait partager le même monde que le genre humain et ses ignominies ?!
    A quel moment les Hommes avait-ils délaissé la beauté pour la cruauté ?
    A cette question l’Arbre n’apporta aucune réponse ; seulement la certitude que lui, malgré toute sa rage se devrait de reconquérir cette beauté idéale.


  • La pluie et le salon de thé

    J’aime la pluie parcequ’elle est un bon prétexte pour chercher le calme d’un lieu douillet et la chaleur d’un thé aux épices.
    Je l’aime d’autant plus quand je peux me réfugier dans ce petit salon de thé de la rue piétonne. Il est un petit peu comme ma tanière. Le lieu stratégique entre mes deux librairies préférées.
    C’est un peu le carrefour de l’imaginaire, là où l’esprit divague et où l’âme se réchauffe.
    Aucun tracas ne saurait résister au charme infini de ce petit salon de thé et de ses pâtisseries.
    Ici mon vague à l’âme s’estompe à la faveur de la contemplation des filets de vapeurs au fumet délicat s’élevant de ma tasse où lentement mon thé infuse.
    Ici rien ne presse, ici le temps est comme suspendu, ici c’est un asile pour ceux qui, comme moi, cherchent à fuir la frénésie d’un monde devenu fou.


  • Micro fiction : Le temps relatif

    Il venait de passer la nuit absorbé par un roman des plus passionnants. Des huit dernières heures écoulées, il n’en avait vu passer aucune. Et c’est seulement lorsqu’il dû patienter une longue minute devant son micro-ondes pour réchauffer son café, qu’il comprit que le temps était relatif.


  • Senteurs d’été et crépuscule

    Tout a commencé avec cette pensée qui me frappa alors que je roulais vitres ouvertes derrière un vieux camion sur les routes gersoises.

    « Le Monde a retrouvé ses couleurs ».

    D’aucun aurait trouvé que ce camion, trainant derrière lui ses odeurs de terre, de gazole et de métal, venait gâcher la douce fragrance des champs de colza, mais pas moi.
    Au contraire ce fut comme un électrochoc. Les retrouvailles aussi soudaines qu’inattendues avec les odeurs de la maison perpétuellement en travaux de mon enfance, entourée de champs de fèves, de tournesols et de colza.
    Mais c’est alors que j’aère ma demi villa ce soir tout en y diffusant de la citronnelle (probablement synthétique) que la boucle de ma nostalgie fut bouclée…

    C’est la mi-mai, il est neuf heures, les dernières lueurs du crépuscule et le chant des grillons annoncent la fin du jour et avec elle l’heure du coucher. J’ai de la citronnelle sur ma table de chevet sensée tenir les moustiques en échec.
    J’ai huit ans et mon monde rayonne des couleurs chatoyantes dont seuls les enfants dans leur tendre innocence sont capables d’honorer la vibrante splendeur.


  • Micro fiction : Le Forgeron

    Ce forgeron titanesque battait le fer de la réalité. Absorbé par son travail il continua son oeuvre malgré la fellure sur son marteau. Immanquablement ce dernier explosa en un colossal nuage de poussière. Quelques instants plus tard une étoile s’alluma.


  • L’idéaliste de la fin du monde

    Il déambulait paisiblement sur le sol noir craquelé duquel jaillissait ça et là quelques herbes folles. Il saisit, en les regardant, l’ironie de leur nom. Si ces brins verts perçant la misère d’un sol délabré avec une innocente mais néanmoins inébranlable force étaient qualifiés de « fous » alors qu’était-il lui ? Lui qui arpentait insoucieusement ce même environnement jonché des ruines d’une civilisation suffisamment folle pour s’autodétruire et entrainer la victoire inévitable de la nature sur le genre humain. Il prit parti de les renommer « herbes béates ». C’est ce qu’elles lui inspiraient ballotant dans la brise. La béatitudes de ne se soucier que du strict minimum. De l’eau, de la lumière et des sels minéraux. Un peu comme lui en somme… De l’eau, un feu, et de la nourriture. Au final n’est il pas là le vrai bonheur ? Se dit-il. Certes, et il en était conscient, il ne mènerait pas une vie aussi longue que les anciens dont certains, disait-on, vivaient plus de cent ans. Mais à quoi bon vivre longtemps pour vivre mal ? Non lui vivrait une vie courte mais vraie. Une vie simple mais authentique. Et quand son heure viendrait, il partirait le cœur tranquille nourrir à son tour les herbes béates.