
Un peu de moi
Je suis un amoureux du grand, du vaste, de la contemplation et des moments de solitude. Bien que détestant la ville pour ce qu’elle représente (bruit, pollution, train de vie infernal), j’adore les architectures massives et oppressantes selon certains. J’aime tout ce qui nous rappelle que nous ne sommes pas grand chose dans cet univers qui n’a paradoxalement d’autre but que celui que nous lui donnons, aussi suis-je tout naturellement attiré par le stoïcisme et passionné d’astronomie. Je ne me mets pas de barrière en ce qui concerne mes découvertes artistiques, j’aime être surpris et chamboulé et brider ma curiosité serait donc bien trop contre-productif !
Le Pif
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Résurgence
Il était là, assis sur un banc. Sans rien attendre de ce moment. L’air était doux, comme il l’est de coutume lors du mois de septembre. Cela faisait un moment qu’il était libéré du poids des rentrées scolaires (en tant qu’élève du moins), seule ombre au tableau de ce onzième mois.
Il n’avait jamais vraiment aimé les rentrées scolaires…
Pourtant aujourd’hui assis là sur ce banc et grâce à l’entente inattendue des ouvriers de voirie et d’une brise légère, l’étrange odeur du bitume portée à ses narines sut le ramener quelques vingt-deux ans en arrière.
Il avait dix ans, sur son vélo tout terrain, filant à vive allure vers son village d’enfance, son unique monde en ce temps. Il se laissa happer par ce souvenir simple, qui ne voulait de mal à personne, surtout pas à lui. Puis il se rappela le reste, le marronnier de la court de l’école, témoin de tant de jeux, d’intrigues et de bobos enfantins. Et même de certains trafics alors illicites de cartes à collectionner, ayant fût un temps déchainé maintes passions ; elles aussi bien innocentes.
Soudain il se dit que vingt-deux ans plus tard assis sur ce banc dans un village tout autre — l’autre bout du monde pour l’enfant qu’il était quelques secondes plus tôt en souvenir encore — qu’avec un peu de chance il venait de ne terminer que le premier tiers de sa vie.
Il se prit alors à penser au futur à tout ce qui l’attendait encore. Il regarda les nuages gris qui prédominaient lors de cette fin de matinée de septembre. Mais les regarder rouler doucement avait le don de l’apaiser au plus profond de son être. On avait rarement fait meilleure promesse que celle d’un nuage gris roulant paresseusement dans les cieux. Rien n’illustrait mieux que ces mastodontes gris — impuissants à masquer indéfiniment le Soleil — l’adage auquel il se rattachait en cet instant… à l’aube des deux autres tiers de sa vie.
« Ça aussi… Ça passera. »
Et les quelques faibles rayons de Soleil de cette fin de matinée deviendraient sans l’ombre d’un doute une après-midi radieuse.
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Presque Rien
Ca part de trois fois rien.
Un trait de lumière, un son, une sensation.
Ce matin c’était le bleu du ciel.
Mais pas seulement…
Ce matin c’était aussi un contraste.
Celui des nuages placés méthodiquement
Par le chaos météorologique.
Sans eux, le bleu électrique du ciel serait resté invisible.
Noyé par lui même
Noyé en lui même.
Ce matin c’était aussi une musique
Qui a eu la bonne idée de se lancer quand il fallait.
Quand je n’avais rien d’autre à voir que le ciel,
Rien d’autre à entendre qu’elle.
Ca part souvent de trois fois rien…
Toujours en fait.
Mais de ces trois petits riens
Ce matin je jurerais avoir touché l’infini.
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Un moindre mal
Rien ne dure, tout s’efface avec le temps
Chateau de sable enfantin ou roc millénaire
C’est peut-être là un constat cruel, amer
Rien ne dure, tout s’estompe avec le temps.A quoi bon alors m’échiner ?
Pourquoi si tout doit donc finir
M’évertuer à devenir ?
A quoi bon alors m’épuiser ?Mais peut-être le tableau n’est il pas si noir
J’en viendrais même à me demander au final
Si cette condamnation dénuée d’espoir
Ne serait pas, au bout du compte, un moindre mal…Si rien n’est éternel, tout passe avec le temps.
Si tout passe avec le temps, mon malheur aussi.Rien ne dure, tout s’efface avec le temps.
Je reconstruirai mon petit château de sable.
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L’œuvre Accidentelle

J’avais envie d’écrire, peut-être même besoin…
Oui, j’aurais aimé célébrer l’Été qui enfin s’est installé.
Mais rien à faire, ma page reste aussi vide que le ciel qui de son bleu ardent nous enjoint à rester discret, à l’ombre, au frais.
Et bien soit ! C’est donc à l’ombre que j’écrirai !
D’un vieux chêne ou d’un bosquet ; au bord d’un lac ou d’un ruisseau ; seul ou en compagnie des oiseaux tout comme moi engourdis.
Peut-être finalement vais-je rester là allongé ; caressé par la brise.
Celle là même qui, telle les soufflets d’un orgue colossal, active les feuilles des arbres devenant un chœur au chant des cigales invisibles.
Celle là même qui, sans conscience aucune, dirige d’une main habile le lent ballet des tournesols dorés.
Alors, seul au bord de mon lac je suis heureux,
Car face à tous ces artistes involontaires, qu’ils soient feuilles, oiseaux, cigales, tournesols, brise ou bien cieux, moi je contemple à l’ombre cette œuvre qui l’espace d’un instant n’existe que pour moi.
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La Petite Maison

Elle est presque invisible.
Cachée aux yeux de tous ceux qui, trop pressés, ne voient rien sinon leurs propres pieds.
Elle n’a d’ailleurs, la plupart de l’année, rien d’original cette petite maison ; elle ferait presque négligée. Une façade crépie plus toute fraîche, des volets toujours fermés et enfin un jardin où les herbes livrées à elles même n’en font qu’à leur tête…
Non vraiment, de prime abord ce petit cube en bord de rue n’a pas grand intérêt.Pourtant quelques jours par an cette petite maison éclipse à elle seule et dans l’indifférence générale toutes les bâtisses de la ville qu’elle honore.
Chaque année alors que la nature lentement s’éveille, elle resplendit de son charme désuet.
Bouquet fleuri d’herbes folles et de coquelicots tous les ans ravit mon cœur qui, nostalgique d’un temps qui lui est inconnu, bat au rythme d’un pur et innocent bonheur.
Non vraiment, pour qui veut bien le voir, le charme de cette maison confine au merveilleux.
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L’Isle des Morts
Sur le miroir d’argent, glissant vers l’horizon
Le passeur vers un lieu que lui seul aperçoit
La transporte elle dans son linceul de soie
L’eau doucement chante devant l’embarcationSur le miroir d’argent, les mots sont superflus
Il n’a rien à entendre, et elle rien à dire
Elle porte en silence les pleurs, les cris, les rires
Tous ces souvenirs qui lui auront survécuApparaît-elle enfin, sur le miroir d’argent
Sur les flots ? Dans les cieux ? Comment en être sûre ?
Elle est pourtant là, du monde la commissure
Seule Isle égarée sur les vastes mers du tempsElle savait qu’enfin, elle reposerait
Dans une douce brise à l’ombre des cyprès.

Tableau : L’Isle des Morts – Arnold Böcklin (1883)
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Sous une pluie de feuilles
Une fois encore, les feuilles tombent. Une fois encore, le vent se lève. Mais cette fois le souffle brûlant d’un été agonisant cède sa place à la brise d’un automne naissant.
Une fois encore, les feuilles dansent. Et mon coeur porté par la brise fait de même. Le temps de l’exubérance prend fin et le temps de soi s’en vient enfin.
Une fois encore, les feuilles flambent. Une fois encore, mes pensées s’embrasent. Cette fois par contre, point de feu ni d’épaisse fumée. Seulement le crépitement d’une âme vagabonde prise sous une pluie de feuilles.
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Le Chant du Cygne
La vie est une suite de rencontres inattendues.
Hier, bien décidé à profiter des rayons de cette fin d’après-midi dont on ne sait vraiment si elle est estivale ou automnale, je suis allé m’asseoir en terrasse pour enfin terminer le livre que j’ai commencé cet été.
A la table côté de la mienne, une jeune fille, sans doute une étudiante à peine bachelière, est affairée à écrire sur des pages volantes. Aucun client, passant, serveur n’arrive à la détourner de ses lignes.
Alors que j’entame ma lecture je m’en fais extirper par un timide « Excusez-moi monsieur… vous pouvez me dire comment s’écrit le mot lambda ? Vous savez comme pour une personne lambda » Quelle ironie que le mot choisi soit « lambda » pour cette rencontre qui ne l’était pas… Je lui donne l’orthographe du mot, elle me remercie et se replonge dans dans ce qui doit être un devoir de français ou une rédaction quelconque.
« Monsieur ?… » m’appelle-t-elle de nouveau. « Vous êtes fort en orthographe ? » On va dire que je me défends… « Vous pouvez me corriger les fautes ? » J’accepte évidemment en notant son air préoccupé. « Par contre ne faites pas attention à ce que ça dit… » Curieuse recommandation mais soit.
Après avoir corrigé les fautes de ce qui était en fait une lettre je la lui rend en lui disant que je suppose que je suis désolé.
Alors que je pensais ne faire que boire une bière en terminant un livre, je venais tout simplement de corriger les fautes d’inattention qu’une jeune fille, le cœur distrait, avait laissées se glisser dans une lettre d’amour adressée à un jeune homme qui visiblement était sur le point de la quitter.
Je voulais simplement partager cette anecdote, l’histoire de cette jeune fille qui pour corriger les fausses notes de ce chant du cygne sentimental à choisi d’en faire lire la partition à un parfait inconnu, faisant ainsi de lui un personnage secondaire éphémère de cette aventure de reconquête amoureuse.
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Au delà du vide
Allonger sur le dos, perdu dans les étoiles
Que reste-t-il de moi dans ce demi sommeil ?
Sinon la conscience d’être…
Une impulsion électrique et la matière
Elle même se contemple.Allonger face au ciel, c’est ce que je suis
Étincelle sentiente témoin du grandiose
Balais des astres qui furent et qui seront
Se moquant de nous Hommes de la Terre
Enviant leur éternelle danse.Allonger sur le sol, face au vide insondable
Non celui du cosmos,
Mais du cœur des Hommes
Qui par de vaines prières
Fantasment leur immortalité.Pourtant au delà du vide
Pour qui se donne la peine
Il y a l’éternité
Qui paisible contemple
De notre existence,
La brève étincelle.
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Cité Divine
Sur l’horizon j’ai vu les nuages dorés
Douce brume d’ivoire flottant doucement
Ni orage ni pluie amenés par les vents
Simplement la brise, la caresse des blésDans ce parfum d’été tout de feuille et de terre
Crépuscule accordé sur le chant des grillons
Ses lueurs orangées enflammant les chardons
Par mes sens je m’arrache aux pensées délétèresDans le souffle du soir j’accueille le dédale
M’allongeant sur le sol avec les herbes folles
Je me laisse aller à ces doux songes frivoles
Embrassant toute entière l’évasion mentaleJ’ai vu les nuages dorés maîtres des cieux
Depuis des éons cités fantasmée des Dieux