Il venait de passer la nuit absorbé par un roman des plus passionnants. Des huit dernières heures écoulées, il n’en avait vu passer aucune. Et c’est seulement lorsqu’il dû patienter une longue minute devant son micro-ondes pour réchauffer son café, qu’il comprit que le temps était relatif.
Catégorie : Mes textes
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Tout a commencé avec cette pensée qui me frappa alors que je roulais vitres ouvertes derrière un vieux camion sur les routes gersoises.
« Le Monde a retrouvé ses couleurs ».
D’aucun aurait trouvé que ce camion, trainant derrière lui ses odeurs de terre, de gazole et de métal, venait gâcher la douce fragrance des champs de colza, mais pas moi.
Au contraire ce fut comme un électrochoc. Les retrouvailles aussi soudaines qu’inattendues avec les odeurs de la maison perpétuellement en travaux de mon enfance, entourée de champs de fèves, de tournesols et de colza.
Mais c’est alors que j’aère ma demi villa ce soir tout en y diffusant de la citronnelle (probablement synthétique) que la boucle de ma nostalgie fut bouclée…C’est la mi-mai, il est neuf heures, les dernières lueurs du crépuscule et le chant des grillons annoncent la fin du jour et avec elle l’heure du coucher. J’ai de la citronnelle sur ma table de chevet sensée tenir les moustiques en échec.
J’ai huit ans et mon monde rayonne des couleurs chatoyantes dont seuls les enfants dans leur tendre innocence sont capables d’honorer la vibrante splendeur. -
Il déambulait paisiblement sur le sol noir craquelé duquel jaillissait ça et là quelques herbes folles. Il saisit, en les regardant, l’ironie de leur nom. Si ces brins verts perçant la misère d’un sol délabré avec une innocente mais néanmoins inébranlable force étaient qualifiés de « fous » alors qu’était-il lui ? Lui qui arpentait insoucieusement ce même environnement jonché des ruines d’une civilisation suffisamment folle pour s’autodétruire et entrainer la victoire inévitable de la nature sur le genre humain. Il prit parti de les renommer « herbes béates ». C’est ce qu’elles lui inspiraient ballotant dans la brise. La béatitudes de ne se soucier que du strict minimum. De l’eau, de la lumière et des sels minéraux. Un peu comme lui en somme… De l’eau, un feu, et de la nourriture. Au final n’est il pas là le vrai bonheur ? Se dit-il. Certes, et il en était conscient, il ne mènerait pas une vie aussi longue que les anciens dont certains, disait-on, vivaient plus de cent ans. Mais à quoi bon vivre longtemps pour vivre mal ? Non lui vivrait une vie courte mais vraie. Une vie simple mais authentique. Et quand son heure viendrait, il partirait le cœur tranquille nourrir à son tour les herbes béates.
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Il adorait le printemps. Sous toutes ses formes il embrassait cette douce saison. La Nature qui sort de sa torpeur, qui tranquillement regagne ses couleurs. Le temps qui par le lent allongement des jours tend à être plus clément. La douce chaleur du Soleil réchauffe son corps et son cœur.
Mais alors que son dos se réchauffe, que la journée passe, l’ombre devant lui grandit et de ce fait l’obsède de plus en plus. De toutes les splendeurs et douceurs printanières, rien ne subsiste que l’ombre. Les couleurs se fanent, les oiseaux se taisent, même l’air semble se refroidir… Et l’ombre, elle, grandit.
Si seulement il se retournait. Il se rendrait compte que dans son dos le Soleil brillait encore d’un rougeoyant crépuscule et que cette ombre grandissante, c’était la sienne…« Nous sommes souvent plus effrayés que blessés ; et nous souffrons de l’imagination plus que de la réalité. »
Sénèque
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– Crois-tu en une divinité ?
– Non.
– Comment alors expliques-tu tout ça ?
– Tout ça ?
– Oui nous, le monde, l’univers, la vie ?
– Vaste question…
– …
– Pour moi tout ce résume à l’ordre et au chaos.
– Comment ça ?
– Du chaos naît l’ordre, l’ordre s’épuise en néant, et du néant renaît le chaos. Tant qu’il « reste » de l’entropie.
– C’est tout ?
– Oui. Toi par exemple. Des atomes se sont ordonnés en molécules qui se sont à leur tour ordonnées en cellules et enfin en Toi qui en proie au vieillissement finira par disparaître en tant qu’individu. Rendant tes atomes au chaos.
– C’est tout ? Je ne suis qu’un tas d’atomes bien ordonnés ?
– Moi aussi.
– Tu ne trouves pas ça déprimant ?
– Non bien au contraire ! Regarde la voûte céleste et fait face à l’immensité du cosmos.
– J’ai le vertige et je ne vois pas où tu veux en venir…
– Et bien ce vertige signifie que tu viens de prendre conscience que toi, au milieu de ce chaos, de cet infini, tu as la chance d’avoir pu en prendre conscience.
– Je suis donc un tas d’atomes capable de penser dans un univers sans but où le chaos est maître.
– Moi aussi.
– C’est quand même tentant de mettre un Dieu derrière tout ça…
– Ce serait céder à la facilité.
– C’est rassurant.
– Vois-tu, je préfère infiniment la poésie du chaos au dogmatisme religieux. Je préfère mon statut de tas d’atomes doué de pensées et « jouant aux dés » avec le chaos à celui de mouton se laissant guider par son berger. Parce qu’ainsi, en acceptant le fait que l’univers n’a pas de but propre, j’accepte également le fait que le seul but qu’il a n’est autre que celui que je lui donne. Et cela mon ami fait de moi le plus libre des Hommes.