Il était là, assis sur un banc. Sans rien attendre de ce moment. L’air était doux, comme il l’est de coutume lors du mois de septembre. Cela faisait un moment qu’il était libéré du poids des rentrées scolaires (en tant qu’élève du moins), seule ombre au tableau de ce onzième mois.
Il n’avait jamais vraiment aimé les rentrées scolaires…
Pourtant aujourd’hui assis là sur ce banc et grâce à l’entente inattendue des ouvriers de voirie et d’une brise légère, l’étrange odeur du bitume portée à ses narines sut le ramener quelques vingt-deux ans en arrière.
Il avait dix ans, sur son vélo tout terrain, filant à vive allure vers son village d’enfance, son unique monde en ce temps. Il se laissa happer par ce souvenir simple, qui ne voulait de mal à personne, surtout pas à lui. Puis il se rappela le reste, le marronnier de la court de l’école, témoin de tant de jeux, d’intrigues et de bobos enfantins. Et même de certains trafics alors illicites de cartes à collectionner, ayant fût un temps déchainé maintes passions ; elles aussi bien innocentes.
Soudain il se dit que vingt-deux ans plus tard assis sur ce banc dans un village tout autre — l’autre bout du monde pour l’enfant qu’il était quelques secondes plus tôt en souvenir encore — qu’avec un peu de chance il venait de ne terminer que le premier tiers de sa vie.
Il se prit alors à penser au futur à tout ce qui l’attendait encore. Il regarda les nuages gris qui prédominaient lors de cette fin de matinée de septembre. Mais les regarder rouler doucement avait le don de l’apaiser au plus profond de son être. On avait rarement fait meilleure promesse que celle d’un nuage gris roulant paresseusement dans les cieux. Rien n’illustrait mieux que ces mastodontes gris — impuissants à masquer indéfiniment le Soleil — l’adage auquel il se rattachait en cet instant… à l’aube des deux autres tiers de sa vie.
« Ça aussi… Ça passera. »
Et les quelques faibles rayons de Soleil de cette fin de matinée deviendraient sans l’ombre d’un doute une après-midi radieuse.


