Même si ces piles de papiers reliées et protégées par une mince couverture de cuir provoquaient chez lui une étrange fascination, il éprouvait à l’égard de leur contenu une peur des plus viscérale. De tous les livres qui étaient passés entre ses mains tannées par les ans, il lui avait été impossible d’en lire ne serait-ce que les premières lignes.
Et si ces premiers mots lui plaisaient ? Et si tout un chapitre le captivait ? Et, pire encore, si le livre raisonnait en lui ?
Pourquoi cette peur ? Ce n’étaient que des livres après tout. Ils ne sauraient menacer directement son intégrité physique ou porter atteinte à sa santé. L’espace d’un instant il se sentit idiot. Avoir peur d’un petit tas de papier…
Pourtant il avait vu. Oui, il avait vu. Des hommes, des femmes, des enfants… Tous ceux qui avait un jour ouvert ces objets maudits avaient changé. Reniant certaines de leur idées, enterrant de vieilles croyances, remettant en question le monde ! En tout cas une chose était sûre, tous ceux qui avaient un jour osé poser leurs yeux sur les minces caractères noirs ornant les pages de ces maudits bouquins n’avaient de cesse que d’en lire d’avantage.
Non, lui ne voulait pas prendre ce risque, et encore moins celui de changer et de ne plus se reconnaître.