Le livre du Passeur

Illustration réalisée avec l’intelligence artificielle Midjourney

Cela faisait près d’un an que mon sommeil était troublé par des rêves étranges. Au départ je n’arrivais pas à mettre la main sur le fil rouge onirique qui les reliait, bien que j’en pressentais l’existence. Il me fallut plus d’un mois de pérégrination pour le remarquer. Chaque rêve se terminait de la même façon. Que ce soit après la traversée paisible de plaines éthérées baignées de couleurs diaphanes ou l’exploration horrible de quelque donjon damné noyé de sombres lueurs profanes, toujours la même vision vint clôturer mes voyages nocturnes.

Je me tiens devant une porte. Toujours la même bien que revêtant différentes apparences selon le rêve qui la précède. L’aura qu’elle dégage ne saurait être décrite justement. Elle me glace le sang autant qu’elle me réchauffe le cœur, me terrifie autant qu’elle m’apaise, m’inspire un dégoût viscéral autant qu’un indéfectible respect. A mon grand désarroi, chaque tentative d’ouverture se solde immanquablement par un réveil aussi soudain et implacable qu’amer.

Jusqu’à ce jour…

Les mots me manquent pour vous raconter ce que je ressentis lorsqu’enfin je l’ouvris. Accomplissement ultime, sensation de paix infinie, que plus rien n’avait d’importance hormis le fait que j’étais là devant ce piédestal. Je mis un moment à m’accoutumer à l’éblouissante obscurité qui en émanait. C’est alors que je l’aperçus, la grande silhouette drapée de noir se tenant derrière le piédestal. Le sentiment de solitude qu’elle m’évoqua m’arracha le cœur tant il dissonait avec ce lieu parfait. Poussé en avant par une indicible force, je gravis les quelques marches me séparant de l’artefact trônant sur le piédestal dressé entre moi et le fantôme solitaire. Alors que mon regard glissait vers l’objet, que je devinais être un livre, l’ombre ouvrit les bras. Peut-être aurais-je du reculer car l’instant d’après je me réveillai comme on se réveille d’un délire fiévreux.

Quand enfin je parvins à rassembler mes esprits, je senti que des larmes roulaient sur mes joues. J’étais si près du but. Je restai ainsi, dans une léthargique mélancolie, jusqu’à ce que l’aube daigne éclairer ma chambre exigüe. Il y avait alors juste assez de lumière pour que je le remarque. Il était là sur ma table de chevet…

Le Livre du Passeur.

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